02/10/2013
Le poème de la semaine
Pierre Reverdy
Le soleil rôdait encore autour de la maisonQuand on ouvrit la fenêtreLes ivrognes sont toujours làMais la chanson qui montait à la nuit a cesséMaintenant quelle voix m’appelleQuelle douce voix appelle derrière le mur de droiteEn riantLes hommes sont làEndormisEt ce n’est par la même bouche qui chanteUne femme au loin pousse un criSur le bord du balcon ses doigts dépassentIls sont fins et pointusEt ce sont ces doigts que je regardePendant qu’on m’appelleDe tous les champs par tous les cheminsLes gens arriventEn habits noirsEn habits grisEt d’autres en bras de chemiseUne voiture emplit la route de poussièreLa maison est bientôt pleine d’étrangersEt comme personne ne chanteLes hommes se sont réveillésLa pendule s’est arrêtéePersonne ne bouge…Comme sur les imagesIl n’y aura plus de nuitC’est une vieille photographie sans cadreQuelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
00:18 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
25/09/2013
Le poème de la semaine
Jacques Prévert
Démons et merveillesVents et maréesAu loin déjà la mer s'est retiréeEt toiComme une algue doucement caressée par le ventDans les sables du lit tu remues en rêvantDémons et merveillesVents et maréesAu loin déjà la mer s'est retiréeMais dans tes yeux entr'ouvertsDeux petites vagues sont restéesDémons et merveillesVents et maréesDeux petites vagues pour me noyer.Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
00:33 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
18/09/2013
Le poème de la semaine
Philippe Jaccottet
A l'heure où la lumière enfouit son visage dans notre cou,on crie les nouvelles du soir, on nous écorche. L'air est doux. Gens de passagedans cette ville, on pourra juste un peu s'asseoirau bord du fleuve où bouge un arbre à peine vert,après avoir mangé en hâte;aurais-je même le temps de faire ce voyage avant l'hiver,de t'embrasser avant de partir? Si tu m'aimes retiens-moi, le temps de reprendre souffle,au moins juste pour le printemps,qu'on nous laisse tranquilleslonger la tremblante paix du fleuve,très loin jusqu'où s'allument les fabriques immobiles... Mais pas moyen.Il ne faut pas que l'étranger qui marche se retourne,ou il serait changé en statue: on ne peut qu'avancer. Et les villes qui sont encore debout brûleront. Une chance que j'aie au moins visité Rome, l'an passé,que nous nous soyons vite aimés, avant l'absence,regardés encore une fois, vite embrassés,avant que l'on crie "Le Monde" à notre dernier mondeou "Ce soir" au dernier beau soir qui nous confonde... Tu partiras.Déjà ton corps est moins réelque le courant qui l'use,et ses fumées au cielont plus de racines que nous.C'est inutile de nous forcer.Regarde l'eau,comme elle file par la faille entre nos deux ombres. C'est la fin,qui nous passe le goût de jouer au plus fin. Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
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11/09/2013
Le poème de la semaine
Philipe Jaccottet
Dis encore cela patiemment, plus patiemmentou avec fureur, mais dis encore,en défi aux bourreaux, dis cela, essaie,sous l'étrivière du temps. Espère encore que le dernier cridu fuyard avant de s'abattre soit tel,n'étant pas entendu, étant faible, inutile,qu'il échappe, au moins lui sinon sa nuque,à l'espace où la balle de la mort ne dévie jamais,et par une autre oreille que la terre grande ouvertesoit recueilli, plus haut, non pas plus haut,ailleurs, pas même ailleurs: soit recueillipeut-être plus bas, comme une eauqui s'enfonce dans la poussière du jardin,comme le sang qui se disperse, fourvoyé,dans l'inconnu. Dernière chance pour toute victime sans nom:qu'il y ait, non pas au-delà des collinesou des nuages, non pas au-dessus du cielni derrière les beaux yeux clairs, ni cachédans les seins nus, mais on ne sait commentmêlé au monde que nous traversons,qu'il y ait, imprégnant ses moindres parcelles,de cela que la voix ne peut nommer, de celaque rien ne mesure, afin qu'encoreil soit possible d'aimer la lumièreou seulement de la comprendre,ou simplement, encore, de la voirelle, comme la terre la recueille,et non pas rien que sa trace de cendre. Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
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04/09/2013
Le poème de la semaine
Marie Noël
Au mois de mai j’avais le cœur si grandQue pour l’emplir je me suis en alléeCherchant l’amour sans savoir quelle allée,Pour le rencontrer, quel chemin on prend… Rouge-gorge, au fond du bois incolore,Au bout des sentiers dont il te souvient,Du printemps, sais-tu s’il en reste encore?L’hiver vient… J’allais, j’allais. Où trouver de l’amour?Au bas de la côte, au faîte, derrière?Au fond du bois, au bout de la rivière?Ici, là-bas, à ce prochain détour?... Rouge-gorge, au fond du bois incolore,Au bout des sentiers dont il te souvient,De l’été, sais-tu s’il en reste encore?L’hiver vient… Quand je le vis, je n’osai pas à tempsM’en approcher ou lui faire une avance;Je l’attendais ouvrant mon cœur immense…Il n’est tombé qu’une goutte dedans… Rouge-gorge, au fond du bois incolore,Au bout des sentiers dont il te souvient,Du soleil, sais-tu s’il en reste encore?L’hiver vient… Est-ce là tout, cette goutte, est-ce tout?Je voudrais bien recommencer l’année,La goutte d’eau qui m’était destinée,Je voudrais bien la boire encore un coup… Rouge-gorge, au fond du bois incolore,Au bout des sentiers dont il te souvient,Des feuilles, sais-tu s’il en reste encore?L’hiver vient… Est-ce bien tout?... Peut-être, dans un coinQue j’oubliai, peut-être avant la neige,Un peu d’amour encor le trouverai-je,Peut-être ici, peut-être un peu plus loin… Rouge-gorge, au fond du bois incolore,Au bout des sentiers dont il te souvient,Du bonheur, sais-tu s’il en reste encore?L’hiver vient... Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
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28/08/2013
Le poème de la semaine
Francis Carco
Les persiennes ouvraient sur le grand jardin clairEt, quand on se penchait pour se griser à l'airHumide et pénétré de fraîcheurs matinales,Un vertige inconnu montait à nos fronts pâlesEt nos cœurs se gonflaient comme un ruisseau grossi,Car c'était tout un vol de parfums adoucisDans l'éblouissement heureux de la lumière:Les langueurs avaient des langueurs particulièresOù se décomposait une odeur de terreau.Tout le printemps chantait de l'éveil des oiseauxEt, dans le déploiement des ailes engourdies,Passait le grand élan paisible de la vie.Une rumeur sonore emplissait la maison.On entendait des bruits d'insectes; des frissonsFaisaient trembler les grappes mauves des glycinesTandis qu'allègrement des collines voisinesUn parfum de sous-bois arrivait jusqu'à nous.O matins lumineux! matins dorés et flous,Je vous respirerai plus tard à la croiséeEt vous aurez l'odeur des feuilles reposées.Et ce sera comme un très ancien rendez-vous. Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
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21/08/2013
Le poème de la semaine
Andrée Chedid
Homme de tous lieux Otage des mots Violenté par le sort Empoigné par le temps Jamais les meutes ne trancheront ton cri Aucun traquenard n'asservira ton rêve Homme de tous lieux Dont la voix s'évase Vers la houle du chant Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
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14/08/2013
Le poème de la semaine
Catherine Pozzi
La grande amour que vous m'aviez donnéeLe vent des jours a rompu ses rayons -Où fut la flamme, où fut la destinéeOù nous étions, où par la main serréeNous nous tenions Notre soleil, dont l'ardeur fut penséeL'orbe pour nous de l'être sans secondLe second ciel d'une âme diviséeLe double exil où le double se fond Son lieu pour vous apparaît cendre et crainte,Vos yeux vers lui ne l'ont pas reconnuL'astre enchanté qui portait hors d'atteinteL'extrême instant de votre seule étreinteVers l'inconnu. Mais le futur dont vous attendez vivreEst moins présent que le bien disparu.Toute vendange à la fin qui vous livreVous la boirez sans pouvoir être qu'ivreDe vin perdu. J'ai retrouvé le céleste et sauvageLe paradis où l'angoisse est désir.Le haut passé qui grandit d'âge en âgeIl est mon corps et sera mon partageAprès mourir. Quand dans un corps ma délice oubliéeOù fut ton nom, prendra forme de cœurJe revivrai notre grande journée,Et cette amour que je t’avais donnéePour la douleur. Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
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07/08/2013
Le poème de la semaine
Philippe Jaccottet
Tournent les martinets dans les hauteurs de l'air:plus haut encore tournent les astres invisibles.Que le jour se retire aux extrêmités de la terre,apparaîtront ces feux sur l'étendue de sombre sable... Ainsi nous habitons un domainede mouvements et de distances:ainsi le coeur va de l'arbre à l'oiseau,de l'oiseau aux astres lointains,de l'astre à son amour.Ainsi l'amour dans la maison fermée s'accroît,tourne et travaille,serviteur des soucieux portant une lampe à la main. Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
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31/07/2013
Le poème de la semaine
Jean-Pierre Schlunegger
Je dis: lumière,et je vois bouger de tremblantes verdures.Je dis: lac,et les vagues dansent à l'unisson.Je dis: feuille,et je sens tes lèvres sur ma bouche.Je dis: flamme, et tu viens, ardente comme un buisson. Je dis: rose,et je vois la nuit qui s'ouvre à l'aube.Je dis: terre,un sommeil aveugle, un chant profond.Je dis: amour,comme on dit tendre giroflée.Je dis: femme,et déjà c'est l'écho de ton nom. Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
00:13 Écrit par Claude Amstutz dans Jean-Pierre Schlunegger, Littérature francophone, Littérature suisse, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |